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La chronique de Paul Hardman / Back to 2014, mes polars de l'année

14/02/2015 -
Bon, j'avoue, ça faisait un moment que j'aurais dû vous le pondre celui-là. J'ai un mois et demi de retard et encore c'est pas au 31 décembre qu'il aurait dû sortir mais bien une quinzaine avant. Mais vous savez ce que c'est, on lit, on lit, et puis on n'écrit pas... Ouais, enfin, il y a aussi la flemme, la vie, le manque d'inspiration, enfin tout quoi. Mais allons-y, faisons-le ce retour en polars et romans noirs vers 2014. L'an dernier comme chaque année, j'ai lu cinquante à soixante bouquins, dont une bonne moitié au moins auront été des polars. Si on enlève du lot les thrillers qui, en général, sont tout sauf des romans noirs, si on vire les titres sitôt-lus/sitôt-oubliés (qui sont souvent très bien sur le moment cela dit, et je les salue au passage avec joie), il reste une dizaine de bouquins qui franchement auront mérité de la république (des livres). Tous ne sont pas des titres publiés dans l'année (on ne lit pas que des nouveautés, ni vous ni moi, il y a aussi des bouquins qu'on relit, des qu'on emprunte, d'autres qu'on achète d'occase...), aussi ne vous attendez pas à ce que je fasse la promo des auteurs à la mode. Enfin, pour certains, ce sera quand même le cas. Alors voilà...

Commençons par des vieilleries. Depuis toujours, ou tout au moins depuis longtemps, je suis un adepte des auteurs de Floride : Carl Hiaasen, Jeff Lindsay (l'auteur de "Dexter"), Elmore Leonard, Les Standiford et bien sûr Charles Willeford. Mais de ce dernier je ne connaissais en fait que les derniers ouvrages, ceux écrits en Floride, autour du personnage du flic désabusé mais un tantinet virulent Hoke Moseley. Il se trouve que Willeford a eu une vie littéraire des plus riches, et il aura fallu que j'attende 2014 pour lire un roman sorti chez Rivages en 2001 mais qui date de 1958 : La messe noire du frère Springer, dans lequel un comptable sans histoire quitte soudain sa vie rangée et va devenir le pasteur - blanc - d'une communauté noire. Mais ne pensez pas que le sujet principal du livre soit le racisme ou le rapport Noirs/Blancs, il est question ici de fric et de mercantilisme. Du Willeford déjà provoquant, et captivant.

Dans les vieilleries aussi, même s'il est quand même plus récent, voici Out, de la Japonaise Natsuo Kirino. Sorti en France au Seuil en 2006 puis en poche chez Points Seuil, Out est une claque. Mega-claque. Un bouquin noir de chez noir qui raconte comment plusieurs ouvrières d'une usine alimentaire - qui fabrique des portions-déjeuner pour d'autres ouvriers - vont devenir une équipe de tueuses-dépeceuses de cadavre. Tout y passe : la vie en usine, la classe moyenne nippone embourbée dans les crédits et la lassitude, les petits voyous, la prostitution. C'est sinistre et génial, un de mes meilleurs polars de l'année, même s'il date un peu.

Venons-en aux livres de cette année 2014. D'abord deux ovnis, Cosplay, de Laurent Ladouari (chez HC Editions) et La mort s'habille en crinoline, de Jean-Christophe Duchon-Doris (chez Julliard). Le premier est une enquête virtuelle et futuriste au sein d'un "jeu" grandeur nature qui se déroule dans une entreprise post-moderne et qui tient lieu de plan social. Un vrai page-turner mais qui fait froid dans le dos, d'autant plus lorsque l'on sait que l'auteur a tenu des postes importants dans des cabinets ministériels. Le second est une pièce d'orfèvrerie, une enquête sherlock-holmesienne, mais sans Sherlock , dans le monde de la mode à Paris au XIXème siècle, sous le Second Empire. C'est précis dans l'écriture, riche dans les costumes et les décors, maîtrisé et judicieusement relancé dans l'intrigue. Vraiment de la belle ouvrage, comme Duchon-Doris le fait à chaque fois.

On en arrive enfin aux plus "classiques" mais tout de même étonnants. Tout d'abord deux opus marseillais; le premier est un recueil de nouvelles noires, intitulé Marseille Noir (chez Asphalte), un recueil dirigé par Cédric Fabre, qui a co-opté treize autres auteurs pour faire un tour de Marseille de quartier en quartier, sur un mode franchement sombre. C'est réussi. Réussi aussi le polar de Bertrand du Chambon Yugurthen (au Seuil) : un flic marseillais atypique dans une Marseille légèrement décalée ; du déjà lu, allez-vous dire ; certes, mais celui-ci renouvelle à sa manière le genre et mérite qu'on le lise.

On poursuit aux USA, avec Linwood Barclay. Je ne m'attendais à rien en ouvrant le premier roman que je lisais de cet auteur, Fenêtre sur crime (chez Belfond Noir), mais vraiment à rien du tout. J'imaginais volontiers que cela allait être du tout venant, sans grand intérêt. Et puis, chemin faisant il s'est avéré que l'intrigue était particulièrement originale (le personnage central est un autiste qui découvre par hasard un crime sur Google Maps car il mémorise toutes les rues de toutes les villes du monde pour - croit-il - le compte des grandes oreilles américaines, afin qu'il puisse guider directement les Forces Spéciales si elles devaient intervenir...). Son frère va enquêter pour lui et l'enquête va s'avérer intelligente et passionnante. Aussi, je n'ai fait ni une ni deux lorsque j'ai pu lire un autre Linwood Barclay, Mauvaise compagnie (sorti lui aussi chez Belfond Noir en 2014, à l'automne). On y retrouve l'originalité des situations et en prime ici un humour et des personnages qui ne sont pas loin de faire penser à du Hiaasen. Bref, du tout-bon, j'attends désormais le prochain !

Et pour finir, un tryptique scandinave, composé d'un Islandais (Jon Ottar Olafsson), d'un Suédois (Johann Theorin) et d'un Danois (Jussi Adler-Olsen). Commençons par l'Islandais : Une ville sur écoute (de Jon Ottar Olafsson donc) est sorti aux Presses de la Cité et c'est ce qui peut se faire de mieux - bien que très classique - en matière de polar urbain avec enquête sur des crimes sordides et des flics désabusés pour les mener. Olafsson maîtrise son sujet, aucun doute possible. Il en va de même chez le Danois Jussi Adler-Olsen. L'effet papillon (chez Albin Michel) est le nouvel épisode des enquêtes du Départment V, soit Carl Mørck et ses adjoints, la foldingue Rose et le mystérieux Assad. L'effet papillon fait suite à Miséricorde, Profanation, Délivrance et Dossier 64, et les enquêtes du Département V ont fait de Adler-Olsen un auteur mondialement traduit et vendu. Cela dit, ce n'est parce que ce sont des blockbusters que ce n'est pas bon, ici on a de la chance, c'est du best-seller mais c'est aussi du très bon polar. Pas aussi nuancé toutefois et perfide que le Suédois Johann Theorin... Disons que Theorin sera mon auteur de l'année 2014. J'en ai lu deux, L'heure trouble, sorti chez Albin Michel en 2009 et Froid mortel (également chez Albin Michel), publié en France en 2013. Si j'ai commencé par L'heure trouble, c'est parce que j'ai posé la question à Theorin (au Salon du Livre de Fuveau où il était en cette année 2014). Il m'a suggéré, basiquement, de commencer par le commencement. Mais ce n'est pas si basique que ça. Dans L'heure trouble, Theorin pose les bases de son univers : la Suède profonde (en la circonstance l'île de Oland) et les dérapages politicaux-sociaux du passé d'un pays qui n'est pas aussi net qu'on veut bien le voir. Des deux, j'ai préféré cependant Froid mortel, une enquête sur un psycho-killer enfermé dans un asile psychiatrique d'une petite ville de province. C'est angoissant, profond et moderne à la fois, on est dans un registre pas très éloigné de l'Anglais Neil Cross (par ailleurs auteur de la série "Luther"), avec quelques échos au film "Shining", de Stanley Kubrick (assez librement adapté du roman de Stephen King). Bref, c'est du costaud, du sensible et du référencé. Plongez !

Voilà pour la sélection 2014.

2015 a plutôt bien débuté, avec notamment Patrick Manoukian - alias Ian Manook - et le deuxième volet des enquêtes de son personnage mongol, Yeruldelgger. Y'a pas à dire, le polar et le roman noir, ça fait toujours voyager.

Paul Hardman

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