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La chronique de Paul Hardman

19/10/2014 -

Eloge de la lenteur

Les amateurs de polars se divisent en une infinie variété de catégories et de sous-catégories. Peut-être même y-a-t-il autant de catégories qu'il y a de lectrices et de lecteurs... Aujourd'hui, nous allons en évoquer une que l'on ne met pas souvent en avant. Quand les médias parlent de polar, ils pensent souvent thriller, et lorsqu'ils pensent thriller ils entendent action, rebondissements, cliffhangers... Johan Theorin est un auteur qui ne doit pas trop plaire à cette catégorie ou sous-catégorie de lecteurs. Car Johan Theorin est un auteur qui va leeeeenteeeemeeeent. Pire, dans ses livres, on a l'impression qu'il ne se passe rien. On cherche les cadavres, on attend les enquêtes. Pourtant, on ne lâche pas le morceau. Etonnement, malgré cette lenteur et ce vide apparent, Theorin maîtrise le suspens. Un suspens fait de riens, pas nécessairement de petits rien d'ailleurs : il convoque l'Histoire (L'heure trouble), la folie (Froid mortel) pour des récits qui avancent à petits pas mais qui tissent autour de vous, lecteur, une toile infranchissable. Un peu à la manière des Neil Cross première époque (avant l'émergence du personnage de Luther), Theorin est un créateur d'ambiance, un magicien des ombres. Ses personnages semblent frêles, mais ils nous touchent de près, ils nous captivent. Et ses trames fictionnelles sont millimétrées; Chaque mot est pesé, chaque personnage apporte une nouvelle touche et ce n'est que dans les dernières pages de ses romans que vous voyez finalement le tableau dans son entièreté. Theorin se permet même quelques clins d'oeils et quelques pirouettes avec un humour finalement très suédois (ou pas, d'ailleurs), un rire intérieur, fait d'intelligence et de complicité. De la belle oeuvre, ciselée et captivante.

Paul Hardman

photo Patrick Coulomb

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